Arturo Perez-Reverte


Maître flamand et maître espagnol



Le tableau du Maître flamand, c'est celui de Pieter Van Huys, intitulé La partie d'échecs et auquel travaille Julia, jeune restauratrice madrilène. Le roman débute sur l'enquête que mène la jeune femme avec ses amis à propos des énigmes que présente ce tableau de 1471, et tandis que l'auteur excelle à donner une atmosphère de suspens à un mystère vieux de cinq siècles, voilà que s'insinue une deuxième histoire où ce petit monde d'artistes voit survenir les cadavres. Quel est le rapport entre les deux enquêtes ? Le livre est un formidable roman policier, lauréat en France du Grand Prix de littérature policière en 1993, original par cette mise en abyme digne des plus grands, mais aussi par son incroyable érudition. S'il ravit les curieux d'anecdotes historiques, il séduit aussi les joueurs d'échec et les amateurs de peinture. Grâce au talent de l'auteur, les catalogues de ventes ou les techniques de restauration dont les descriptions auraient pu être ennuyeuses deviennent des éléments indispensables à l'enquête, permettant au lecteur d'évoluer à l'aise dans ce milieu d'artistes, marchands d'art, antiquaires, directeurs de galeries, répondant en cela au souhait des vieux peintres flamands : « intégrer le spectateur dans le complexe pictural, le persuader que l'espace d'où il contemple le tableau est un fragment de la réalité ».

Dans Le soleil de Breda, on retrouve l'amour de Perez-Reverte pour la peinture et son érudition mais la perspective est différente. Cette fois, il oppose l'atmosphère rendue par Velázquez dans son célèbre tableau La reddition de Breda peint en 1635 à la réalité vécue par un des jeunes valets d'armée, Inigo de Balboa, narrateur de la trilogie des aventures du capitaine Alatriste. L'histoire se passe donc en 1635 et c'est le récit d'une guerre sans merci, décrivant les batailles, les mutineries, la vie de tous les jours de soldats héroïques et affamés. « Je regarde parfois le tableau, et je me souviens. Diego Velázquez lui-même, malgré tout ce que j'ai pu lui dire sur ce qui s'était passé, n'a pas su reproduire sur sa toile […] le long et mortel chemin que nous dûmes tous parcourir pour composer cette scène majestueuse ». Car si Velázquez est sans doute « le plus grand peintre de tous les temps », son tableau exprime les idées de grandeur et de succès militaire, conformément à la commande qui lui avait été faite pour le salon du Retiro. « C'était comme cela, et c'était différent » dit Balboa qui, lui, avait vu bien d'autres choses et notamment « l'orgueil insolent des vainqueurs, le dépit et la haine des vaincus » et il rend hommage « à cette troupe sans nom ni visage que le peintre laissait seulement entrevoir ».

Monique de Carvalho 



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Jean-Claude Lattès, 1993
Livre de poche, 1994





Le Seuil, 1999
Points-Seuil, 2000





Ces deux livres ont été traduits de l'espagnol par Jean-Pierre Quijano